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Plaidoyer en faveur des états généraux des gauches

Contrairement aux éditions précédentes, les élections européennes de 2019 ont de lourdes conséquences sur l’agenda politique des mois et années à venir. En effet, en dépit de la seconde place de la liste menée par Nathalie Loiseau, ces élections constituent une victoire stratégique pour le Président de la République qui voit l’effet disruptif voulu et théorisé par lui, orchestré volontairement ou pas par les médias, amplifier le délitement du clivage traditionnel gauche/droite au profit de celui, certes contestable mais devenu bien réel, entre progressistes et populistes. Notons au passage, que Marine Le Pen dans son allocution au soir des résultats évoquait celui des nationaux contre les mondialistes.

En témoignent, après l’effondrement des partis traditionnels de gauche en 2017, les résultats des listes LR et UDI (un peu moins de 10%), qui démontrent une nouvelle fois, si besoin était, que ce clivage nouveau est désormais pleinement opérationnel en France, et balbutie à l’échelle continentale – les rapprochements esquissés pendant la campagne entre certains partis sociaux-démocrates européens et les libéraux de la Alde au Parlement européen le montrent. Les partis traditionnels, faute d’avoir pu ou su se réinventer, sont logés à la même enseigne.

Alimentée par les rancœurs de celles et ceux qui ont vainement plaidé le rassemblement, et de celles et ceux qui ont préféré jouer sur des registres politiques différenciés (EELV), prêtant le flanc à la stratégie de LREM qui a su débaucher la plupart des champions de l’écologie pour les faire figurer comme autant de prises de guerre, la gauche sort de cette épreuve plus éclatée que jamais.

Seule l’écologie politique triomphe, mais à quel prix et pour quelle issue ? Deux années sont passées depuis 2017, deux ans pour ça, deux ans pour rien ? L’image qu’entretiennent les Français.e.s de la gauche est celle de chapelles toujours plus repliées sur elles-mêmes et de personnalités incapables de s’entendre. Pour autant, les raisons d’espérer sont bien réelles. 

La première raison est que de ce vide sidéral, sciemment entretenu depuis 2017, il ressort que les gauches vont devoir sortir de cette tétanie collective pour entrer dans une logique de refondation et de reconstruction. Si les élections municipales représentent une opportunité de rassemblement au plan local, elles ne suffiront pas à faire émerger une force alternative aux populistes et aux progressistes, pour qui le progrès passe soit par un repli national ou par toujours plus de libéralisme avec son lot d’injustices sociales.

Cette alternative devient d’autant plus urgente, et c’est la seconde raison, que la vie politique ne peut pas se résumer à un clivage qui appauvrit non seulement la vie démocratique mais fracture durablement le pays. Les enquêtes d’opinion le démontrent les unes après les autres, jamais les valeurs d’écologie et de justice sociale n’ont été aussi hautes… si l’espace est bien là, il manque la réponse politique. De même, tout comme le grand débat national, les élections européennes ne sont pas un débouché politique pour la crise des gilets jaunes, qui si elle s’atténue par l’usure qu’elle engendre, n’en reste pas moins emblématique du malaise vécu par bon nombre de nos concitoyens. Les réformes de l’assurance-chômage, du statut de la Fonction publique et des retraites ne manqueront pas de raviver l’acuité de cette fracture au moment de la rentrée sociale en septembre prochain. Il est donc temps de conjurer le match retour qui se profile en 2022 entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, dont les élections européennes ont été une première mise en scène.

Il y a urgence donc pour que les partis et mouvements en faveur d’une transformation sociale et écologique de la société s’assoient autour de la table. L’appel de Yannick Jadot en faveur d’une recomposition ou l’idée d’une Fédération des gauches proposée par Jean-Luc Mélenchon vont dans le bon sens, du moment que ces initiatives ne jouent pas l’exclusive. Guillaume Balas pour Génération.s et Olivier Faure pour le PS ont donné hier des signaux d’ouverture. De fait, les conditions d’une recomposition sont donc propices à un rassemblement dont la méthode et les conditions restent à imaginer. A nous d’être inventifs !

Il y a urgence pour construire une alternative idéologique à un clivage appauvrissant et désespérant pour les classes moyennes et populaires. Les idées ont été laissées en jachère depuis 2017 et les gauches – à l’exception notable de Génération.s qui a relayé en vain les idées développées lors de la campagne présidentielle – n’ont pas su se réinventer. Pour autant, le bon résultat de la liste d’Europe Ecologie ainsi que le contenu des programmes de Génération.s, du PS et de Place publique, donnent une indication quant à l’impératif d’articuler cette alternative autour de l’urgence écologique. C’est la condition sine qua none de notre refondation collective.

Il y a urgence enfin pour la tenue d’états généraux réunissant non seulement les partis de gauche mais également tout ce que la société civile compte d’acteur.rice.s, de personnalités, de syndicats, ou de collectifs associatifs travaillant en faveur de la transformation sociale écologique et féministe. Les appareils politiques, devenus faméliques au fil des défaites de ces dernières années, ont perdu, au moins partiellement, leur représentativité, une ouverture sur les citoyen.ne.s et intellectuel.le.s désireux.euses de contribuer à la définition d’un nouveau contrat social est plus que nécessaire.

Il n’y pas de fatalité en politique, en l’espace de deux ans, en Espagne, la gauche espagnole, sous la houlette du PSOE de Pedro Sanchez et de PODEMOS, a démontré qu’elle ne réussissait jamais aussi bien que lorsqu’elle assumait clairement ses idées au pouvoir. C’est donc un défi qui est à notre portée, à condition de faire preuve d’intelligence collective et de solidarité.

William Leday

William Leday

est diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et titulaire d’un DEA en histoire. Ancien conseiller parlementaire, il est spécialisé en affaires stratégiques qu'il enseigne à Sciences-Po et en communication politique.
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est diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et titulaire d’un DEA en histoire. Ancien conseiller parlementaire, il est spécialisé en affaires stratégiques qu'il enseigne à Sciences-Po et en communication politique.

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