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Iran, Corée du Nord… que reste-t-il de la dissuasion nucléaire ?

Confronté aux essais nord-coréens, Donald Trump vient de laisser entendre qu’il pourrait remettre en cause l’accord nucléaire iranien. Alors que la fin de la guerre froide avait laissé espérer un désarment progressif global, les tensions internationales viennent nous rappeler que la menace atomique est toujours d’actualité.

Vendredi 13 octobre : sur un ton agressif, le président américain a annoncé sa décision de ne pas certifier l’accord de Vienne de juillet 2015 sur le nucléaire iranien. Dans le même registre que son discours à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre dernier, Donald Trump a justifié sa décision au regard de la situation politique iranienne, de la nature de son régime, dans lequel il voit le « principal parrain du terrorisme dans le monde. »

Il a également assuré que la République islamique poursuivait le développement de son programme nucléaire et avait violé à de multiples reprises l’accord de Vienne, et qu’en l’état, les États-Unis ne pouvaient accepter ce plan d’action.

DES TECHNOLOGIES ACCESSIBLES ET DISCRÈTES

Cette décision intervient à un moment où la prolifération nucléaire pose problème à plusieurs titres, car elle devient pratiquement incontrôlable. D’abord, les conditions technologiques de la constitution d’un arsenal nucléaire ne sont plus aussi difficiles à réunir que par le passé : la mondialisation, au sens de l’internationalisation généralisée des échanges de biens, de services, mais aussi de l’information et des savoirs, rend plus difficile la maîtrise des circulations technologiques.

Avant même que n’apparaissent les technologies de l’information et de la communication, l’existence d’échanges technologiques en matière nucléaire était avérée : dès les années 1970-1980, Abdul Qadeer Khan, la cheville ouvrière du programme nucléaire pakistanais, avait mis sur pied un réseau de communication transnational, diffusant certaines techniques d’enrichissement de l’uranium. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on considère aujourd’hui qu’il est à l’origine du programme nucléaire nord-coréen.

De plus, la technologie nucléaire la plus prolifique — l’enrichissement isotopique de l’uranium par centrifugation — permet facilement, et en toute discrétion, de détourner un programme nucléaire civil à des fins militaires. Dans les années 1970, l’Inde en a fait l’expérience en utilisant du plutonium issu, à l’origine, d’un réacteur civil canadien. Difficiles à détecter, ces détournements clandestins offrent aux États concernés les moyens de se doter relativement facilement, et dans des délais raisonnables, d’une bombe A à fission, à l’image de celle qui a frappé Nagasaki, le 9 août 1945.

UN RÉGIME DE DISSUASION EN PERTE DE VITESSE

Plus fondamentalement, ce sont des raisons politiques qui font paraître inéluctable la prolifération nucléaire. D’une part, le traité de non-prolifération (TNP), signé en 1968, et particulièrement le protocole additionnel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (1998), ont montré l’inefficacité des contrôles en la matière. Lorsqu’en 1991, on a découvert que l’Irak avait mené un programme clandestin, alors qu’il s’agissait d’un pays signataire du TNP, la surprise fut totale. D’autre part, les mécanismes de sanctions ont largement montré leurs limites.

Deux exemples : la Corée du Nord, après être sortie du TNP en 1993, s’est affranchie de toutes les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, et elle a pu réaliser plusieurs essais nucléaires sans être inquiétée ; de son côté, le programme d’enrichissement d’uranium de l’Iran n’a été découvert qu’en 2002, alors que la République islamique développait ce programme clandestin depuis 18 ans. D’ailleurs, ces révélations n’ont rien changé : l’Iran a poursuivi ses activités malgré des sanctions économiques particulièrement rudes, ajoutées aux résolutions successives des Nations unies.

Il ne fait guère de doute que Kim Jong-Un hypothèquerait gravement sa survie politique s’il venait à abandonner son programme nucléaire.

Autre difficulté : l’histoire nous enseigne que les régimes politiques qui se sont écartés de la voie nucléaire — soit en renonçant à leurs programmes, soit en abandonnant leur arsenal — ont souvent connu des fins tragiques. Quel sort eût été réservé à Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi s’ils avaient été en possession de l’arme atomique, lorsque leurs pays furent attaqués ? Une question assez proche pourrait être posée à propos de l’Ukraine : son territoire serait-il soumis à de telles pressions centrifuges venues de l’extérieur si le pays ne s’était pas progressivement débarrassé de ses ogives nucléaires, à partir des années 1990 ?

Dans le même registre, il ne fait guère de doute que Kim Jong-Un hypothèquerait gravement sa survie politique, sinon physique, s’il venait à abandonner son programme nucléaire. Un tel raisonnement est primordial pour comprendre les intentions de tous ces États qui se lancent dans des programmes d’armement extrêmement coûteux. Outre l’indépendance à l’égard des grandes puissances, l’accès au nucléaire militaire devient un enjeu de politique intérieure.

Enfin, et peut-être est-ce là le nœud du problème, les programmes nucléaires sont souvent conduits dans le secret le plus total. Et, si tant est que l’État concerné soit doté d’un dispositif balistique opérationnel, il ne lui est plus indispensable de procéder à des essais nucléaires pour s’assurer de sa force de frappe ou pour en convaincre la communauté internationale. Il en résulte une certaine inhibition des Nations unies et des grandes puissances nucléaires qui, plongées dans l’incertitude, n’osent plus user de la force et voient leurs capacités dissuasives fortement réduites.

On peut arguer que cette dissémination nucléaire aura un effet dissuasif généralisé, suivant la formule du général Poirier : « L’atome rend sage. » À l’inverse, on peut s’inquiéter des répercussions de cette prolifération sur la sécurité internationale, le développement de l’arsenal mondial faisant croître le risque d’une guerre nucléaire.

© Photo : Wikimedia

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