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Campagne présidentielle : l’invisibilisation de la question environnementale

Alors que l’attention des médias se polarise autour de certaines candidatures d’extrême-droite et son lot de polémiques « identitaristes », les questions environnementales semblent, une nouvelle fois, passer au second plan de cette échéance présidentielle alors que l’urgence climatique n’a jamais été aussi aiguë.

 

  • Par Margot Holvoet, responsable des questions « environnement » au sein de Chronik.

 

Entre le 10 décembre 2021 et le 14 janvier 2022, on apprenait que 40 000 espèces sont menacées d’extinction à court terme, que les océans enregistraient un record de chaleur en 2021 et que la température avait atteint 50,7°C en Australie. Sur la même période, Le Monde publiait 70 articles consacrés au candidat de l’extrême-extrême droite, contre seulement 50 consacrés au climat, tous angles confondus.

Atterrées de la quasi-inexistence de débat sur la nécessaire transformation écologique de notre société, les grandes organisations impliquées dans la lutte contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement en sont réduites à espérer que le sujet puisse au moins émerger durant la campagne présidentielle… Une ambition a minima révélatrice du sentiment de désespoir de toute personne habitée par l’idée de bien commun confrontée à cette pré-campagne.

Comment, en effet, expliquer l’inexistence, ou du moins l’invisibilisation, de la thématique environnementale dans le débat actuel ? Car la séquence encadrant des élections nationales devrait être l’occasion de débattre collectivement de questions fondamentales. Et quoi de plus fondamental que de chercher à mettre en œuvre les conditions de la survie de notre espèce sur terre ?

Qu’on le veuille ou non, le réchauffement climatique et les multiples dégradations environnementales modifieront profondément notre manière d’habiter la terre. Dès lors, il s’agit de nous questionner sur notre réponse à ces bouleversements. Choisirons-nous de laisser quelques supra-riches profiter du détournement des regards pour organiser leur survie au détriment de tous les autres ? Ou souhaitons-nous plutôt nous replier sur nos identités, comprises de manière de plus en plus étroite, pour y faire face « entre nous », et « advienne que pourra » ? Le repli identitaire porté par une part croissante du personnel politique semble en effet témoigner d’un choix tacite et sans appel de laisser à leur sort les premières victimes du changement climatique et de la dégradation de l’environnement, afin de faire perdurer le plus longtemps possible notre mode de vie : les limites planétaires, atteintes de plus en plus tôt chaque année[1], le sont du fait d’une petite proportion d’humain dont nous, Français, faisons partie – notre mode de vie étendu à la population entière demanderait près de 3 planètes terre. Derniers sur la liste des responsabilités, les pays du Sud sont les premiers sur la liste des victimes[2].

Mais au-delà des choix à faire sur le partage des coûts à l’international, la question se pose déjà avec acuité à l’intérieur de nos frontières : les canicules, exceptionnelles il y a 10 ans, se répètent désormais presque chaque année, et les inondations sont toujours plus meurtrières ; les pénuries d’eau atteindront 40% avant même 2040, c’est-à-dire dans moins de 20 ans, et la partie sud de notre continent, côte d’Azur et Occitanie inclues, sera inhabitable dès 2070. Comme les pays du sud paient pour les consommations des pays du nord, les populations défavorisées paient en France pour les excès de quelques-uns : ainsi, 5% de Français émettent 50% des émissions en lien avec le transport, notamment du fait de leur recours à l’avion[3] – dont les impacts environnementaux, mais aussi sanitaires pour les populations riveraines essentiellement défavorisées[4] explosent.

Ainsi, face à ces questions de survie, sanitaires et de justice sociale, nous espérons que notre pays fera preuve de toute la rationalité dont il sait parfois être capable – et que nous tenterons d’en débattre ouvertement, pour décider collectivement de notre destin commun.

Il nous faudra alors répondre à la question de ce que l’on souhaite garder du monde que l’on connaît, et ce dont on ne veut plus, ou différemment. Il nous faudra avoir un débat informé sur l’allocation du « budget carbone » entre différents pans de l’économie, ainsi que sur les sources d’énergie qui composera notre mix énergétique. Il nous faudra réfléchir au partage des terres, entre production alimentaire, énergie, préservation de la biodiversité et loisirs. La même question devra être posée très rapidement pour la ressource en eau, amenée à se raréfier à un rythme soutenu.

Enfin, il nous faudra faire preuve d’inventivité et d’espoir, pour dessiner dans un temps très court les contours de la société à venir, et sortir de la pente qu’on nous tend vers une société du repli et de l’affrontement. Cela demandera, certes, un grand effort d’information pour nos concitoyens – mais les médias peuvent encore s’emparer de ces questions et retrouver leur rôle d’information, plutôt que de divertissement.

Car c’est bien le tragique de la situation dans laquelle nous sommes plongés : divertis sans cesse par le superflu imposé par la règle de l’audimat, nous manquons l’essentiel et les décisions se prendront sans nous, sans que nous ayons pris le temps d’en débattre.

 

[1] https://www.wwf.fr/jour-du-depassement

[2] https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0254060

[3] https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/12/TSP_AVIATION_RAPPORT_211116.pdf

[4] http://www.advocnar.fr/wp-content/uploads/2021/04/2019-02-09-Impacts-sanitaires-du-bruit-des-transports-dans-la-zone-dense-de-la-region-Ile-de-France.pdf

 

  • Peinture : « L’Homme au chapeau melon » de René Magritte (1964).

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