– Margot Holvoet (chargée de mission chez Vrin) et Béligh Nabli (cofondateur @Chronikfr)
« Sixième extinction de masse », « péril climatique», « des centaines de millions de déplacés »… Les cris d’alarme lancés par la communauté scientifique ne manquent pas : la situation du climat et de la biodiversité est grave, voire tragique pour ceux qui annoncent un effondrement de la civilisation thermo-industrielle. Dans le même temps, les conférences internationales sur le climat pullulent (nous en sommes à la 25e « COP »…), les gouvernements et les grandes entreprises rivalisent d’effets d’annonce, et … rien ne se passe, ou presque.
Pourtant, la connaissance des risques environnementaux et de leurs causes ne date pas d’hier. Dès les années 1960, une relative prise de conscience mène à la signature de plusieurs traités relatifs à la protection de l’environnement, l’on crée des ministères de l’environnement et prend diverses mesures ciblées sur la qualité de l’air, de l’eau… – et ce non sans un certain succès. Cependant, aucune mesure n’aura permis d’enrailler vraiment la machine de destruction du vivant dans laquelle nous avons tous pris place. Aussi tous assistent, et participent, impuissants, à la catastrophe vers laquelle nous sommes précipités. La force de l’habitude, le poids du conformisme, le confort de ne pas se sentir personnellement responsable, les coûts du changement, aussi, dominés par l’opposition fallacieuse de ceux qui ont des intérêt à ce « business as usual », expliquent ensemble l’immobilisme généralisé.
Généralisé ? Non ! Des mouvements émergent pour dénoncer cet immobilisme, réveiller les consciences et secouer les schémas destructeurs. Leur mode d’action, la désobéissance civile : blocage de routes et de bâtiments emblématiques, manifestations non déclarées, « happenings » médiatisés… Une fois tous les appels à l’action politique déçus, tous les recours prévus par les institutions démocratiques épuisés, la désobéissance civile serait-elle l’ultime ressource ? A-t-elle des chances de réussite ? Mais aussi, est-elle un mode d’action légitime, au sein de sociétés régies par des institutions sensées représenter l’avis du plus grand nombre ?
Urgence contre légitimité, efficacité contre respect des lois. Les tensions au sein du concept de « désobéissance civile » ne manquent pas. Ce mode d’action, dont la paternité est attribuée à H. D. Thoreau, philosophe américain du XIXe siècle, fait l’objet d’un regain d’intérêt depuis le début des années 2000. Opposition des professeurs à des décrets de l’éducation nationale, aide aux migrants,… contrevenir aux lois au nom de principes supérieurs de justice est un recours devenu fréquent. La désobéissance civile écologique pourrait pourtant revêtir une spécificité, qui tient à la nature de ses revendications. Car il s’agit non plus seulement de bloquer, d’arrêter la mise en place d’une disposition jugée attentatoire aux libertés ou aux grands principes démocratiques. Il s’agit de faire, de créer les dispositions qui permettent la transition. Plus seulement blocage, mais création. Plus seulement frein, mais moteur.
Le mardi 22 octobre, nous rencontrons Albert Ogien, sociologue spécialiste de la désobéissance civile, auteur avec Sandra Laugier de Pourquoi désobéir en démocratie ? (La découverte, 2011) et Le principe démocratique. Enqûete sur les nouvelles formes du politique (La découverte, 2014) pour aborder la spécificité de la désobéissance civile écologique actuelle, ses perspectives et son rôle dans la démocratie. Claire Lejeune, co-secrétaire fédérale des Jeunes Écologistes, membre du collectif des Décrocheuses du mouvement Extinction Rebellion, viendra partager son expérience militante et compléter cette rencontre.
Débat organisé par Chronik et la Librairie Vrin,
mardi 22 octobre, à 18h30
à la Librairie philosophique J. Vrin
6, place de la Sorbonne, 75005 Paris
Avec :
Albert Ogien, sociologue, directeur de recherche au CNRS
Claire Lejeune, militante écologiste, co-Secrétaire fédérale des Jeunes écologistes