« Opium philosophie » est une association créée par des étudiants, dans le but de rénover la pratique philosophique et faciliter son accès. A travers des conférences, une revue annuelle, des ateliers de philosophie en prison et dans des écoles, ainsi qu’une émission radio, ce collectif contribue au débat sur les enjeux du monde contemporain. Margot Holvoet, présidente d’« Opium Philosophie », et Hugues Wattebled, son vice-président « , tirent un premier bilan de leur action.
- Par Margot Holvoet et Hugues Wattebled.
Née il y a 8 ans dans les murs de Sciences Po, Opium Philosophie a bien grandi. Et pour preuve : notre association est maintenant présente dans 13 universités et écoles, regroupant près de 80 membres qui ont travaillé sur une soixantaine d’événements au cours de l’année universitaire, dépassant alors largement le cadre de l’université et des milieux étudiants.
Avec presque 60 événements en 8 mois, il s’avère ainsi que les étudiants savent se montrer actifs et engagés. Qu’ils soient étudiants en philosophie, en art, en droit, en économie, en sciences ou dans des filières plus techniques, quelles que soient les orientations politiques de chacun, la mission de l’association les rassemble. Cette mission est simple, et terriblement actuelle : elle consiste en la création de situations d’expression orale ou écrite, permettant de faire sortir la philosophie des murs de l’université pour la porter là où elle fait défaut. Actuelle d’abord, dans une société qui se doit de se transformer pour répondre à des impératifs nouveaux – notamment écologiques ; actuelle aussi pour les étudiants eux-mêmes, en équilibre parfois précaire entre un monde universitaire où l’expression est couramment bridée, et un monde social où l’indépendance, l’autonomie, et surtout l’innovation sont souvent valorisées. C’est dans cet interstice entre deux âges, entre le silence et la parole, entre la routine et la réflexion que se trouve notre association.
Élargir le spectre des media philosophiques
Une multitude d’événements est ainsi portée – entre ciné-club philosophique, débats au théâtre, spectacles art&philo, débats, encore, dans des bars, ou conférences -, et les thèmes abordés résonnent toujours avec notre actualité : la dualité homme-animal, la folie, le marketing, l’emprise du web, mais aussi la pensée du corps, ou l’actualité des pensées critiques de Marx et Nietzsche. L’association a rapidement développé sa dimension d’engagement, avec des ateliers de philosophie en école primaire, collèges et lycées et également en prison. La diversité des médias est également exploitée : l’association propose des émissions de radio, ainsi que des vidéos de ses événements sur sa chaîne Youtube ; une revue web a été relancée cette année et, chaque année, nous publions une revue papier de qualité.
Carré collé de 112 pages, la revue est l’incarnation durable de l’association et de son esprit : art et philosophie s’y rencontrent pour questionner, à partir de différentes disciplines, un thème intemporel pourtant peu exploré par la philosophie. Le voyage, la nourriture, le jeu, la ville, les projections, la nuit, et la petite dernière, le rythme, tout juste sortie en librairie. Revue « étudiante », elle est aussi de facto militante, une preuve que les projets menés par des étudiants passionnés peuvent faire concurrence aux professionnels. Car le mot galvaudé d’étudiant prend toujours – et bien contre la raison – une tonalité dépréciatrice, souvent synonyme de peu de sérieux et de procrastination. Or la revue et l’association démontrent pourtant, année après année, la grande force de création et l’immense puissance d’expérimentation et de travail que représente la jeunesse.
Pour une société étudiante
Nos années d’expérience d’Opium nous ont ainsi appris que les associations étudiantes souffraient d’un réel discrédit, sans réel fondement. Un instant suffit pour percevoir la qualité de leurs productions, et plus largement des productions dites “étudiantes”. Il est peut-être temps de revaloriser ce travail, cette production “sur la brèche”, cette production de l’interstice : les étudiants sont sans doute les mieux à même d’opérer cette transition entre les générations, de déployer un regard critique et informé sur le monde. Car ils sont en contact direct avec les concepts et les notions élaborés par les penseurs et qui font la vie de l’université, autant d’outils nécessaires à la compréhension de réalités complexes avec lesquelles on manque nécessairement de distance, tout immergés que nous sommes dans nos quotidiens. Parce qu’ils sont étudiants et donc “en formation”, l’esprit critique est leur outil de travail ; nulle pensée achevée ne peut rendre compte des situations protéiformes et mouvantes qui parcourent l’actualité. Les projets menés dans le cadre associatif sont des tentatives, des expérimentations, des prises de risque qui questionnent et doivent pouvoir proposer des pistes nouvelles à la société.
Les projets que mettent en place les étudiants ne concernent pas seulement leur propre formation ou leur propre intérêt. Nous pensons que mener un projet étudiant, c’est comprendre que la société est, comme la pensée, toujours en formation, qu’elle doit – pourquoi pas ? – rester à jamais étudiante.
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