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Fin de parti(e)

Membres du conseil national du parti socialiste, ayant assumé des responsabilités internes et externes, candidat.e.s à plusieurs élections, William Leday et Melek Ekim ont décidé de démissionner à l’issue du congrès d’Aubervilliers qui précipite, selon eux, le parti dans une impasse. Ils expliquent ici les raisons de leur départ, mais aussi leurs attentes.    

Le congrès d’Aubervilliers est un échec. Après avoir subi une série de défaites cinglantes en un temps record, le parti socialiste (PS) français est confronté à la crise existentielle la plus importante depuis son congrès fondateur d’Épinay, en 1971. Aujourd’hui, la question de sa survie se pose avec d’autant plus d’acuité qu’elle se double d’une interrogation qui porte sur la viabilité de son idéologie. Le congrès qui s’achève n’a pas apporté de réponse à cette interrogation.

UN CONGRÈS QUI PASSE À CÔTÉ DE L’IMPÉRATIF DE CLARIFICATION IDÉOLOGIQUE

En effet, le quinquennat de François Hollande, aux résultats pour le moins mitigés, a mis au jour les contradictions internes du PS, traitées superficiellement par plusieurs décennies de compromis entre des lignes souvent antagonistes sur les questions européenne et sociale, sur son rapport à la mondialisation ou à l’entreprise, sur la problématique des exilé.e.s, avec un gouvernement Valls qui a très largement renié les valeurs humanistes inhérentes au socialisme…

C’est pourtant sur ces interstices que réside la cause du naufrage électoral, ces désaccords ayant été masqués par l’impératif d’unité et de rassemblement, célébré congrès après congrès depuis… toujours. Le dernier quinquennat n’a fait que révéler au grand public un antagonisme aussi structurel – il irrigue l’histoire du socialisme français depuis l’affrontement entre Jules Guesde et Jean Jaurès – que structurant, l’appareil s’étant construit autour de cette culture du compromis.

Le socialisme ne peut renaître à partir d’un parti, réduit à sa portion congrue, mais à l’appui de structures, d’intellectuel.le.s ou de mouvements autour des forces sociales qui doivent participer à sa refondation.

Dans l’idéal, afin de permettre au PS d’amorcer une renaissance, le congrès d’Aubervilliers aurait dû porter sur la clarification idéologique, trop longtemps repoussée et conjurée, entre une ligne social-démocrate (voire sociale-libérale), privilégiant la lutte contre les dérives du capitalisme, et celle, plus radicale, portée par l’idée de transformation sociale. Cette dernière, minoritaire, qui a eu une influence marginale pendant le dernier quinquennat, a triomphé lors des primaires socialistes de 2017 avec la victoire de l’un de ses champions, Benoît Hamon, qui, plus tôt que d’autres, a compris que le congrès passerait à côté du sujet et a préféré fonder son propre mouvement, « Génération-s ».

Logiquement, ce congrès aurait donc dû se résumer à un affrontement entre les textes portés par Stéphane Le Foll, qui prône un social-libéralisme pas très éloigné du projet d’Emmanuel Macron, et celui d’Emmanuel Maurel, qui ambitionne la transformation de la société. Cet affrontement aurait dû aboutir au divorce de l’une ou l’autre de ces lignes avec la nouvelle majorité et signer ainsi la fin du pacte d’Épinay qui fédérait différentes sensibilités constitutives du socialisme. Il en allait de la survie du parti, il en allait de la refondation du socialisme, il en allait du devoir de transparence à l’endroit des Français.e.s. Il n’en a rien été.

LA REFONDATION DU SOCIALISME SE FERA HORS DU PS

Une fois de plus, cette clarification idéologique a été éludée au nom de l’impératif d’unité et de rassemblement des socialistes. Une fois de plus, une forme de synthèse a pris le dessus sur les orientations les plus marquées idéologiquement. C’est le sens de la victoire d’Olivier Faure dont le texte est un compromis visant à fédérer et non à trancher. Pour autant, s’il l’emporte assez largement, la question de la refondation du socialisme demeure sans réponse. À quoi servent l’unité et le rassemblement (à 37 000), le renouvellement (endogamique) des cadres et des pratiques… quand le socialisme en tant qu’idéologie demeure un impensé sur des questions aussi fondamentales que l’articulation entre l’écologie politique et les impératifs de justice sociale et d’égalité, ou l’élaboration de réponses démocratiques et humanistes aux défis qui s’imposent à nos sociétés ?

L’unité dans la divergence autour d’une vague synthèse ne peut apporter de réponses satisfaisantes à ces questions et ajoute à la confusion idéologique, alors même que, pour reprendre les mots de Gaétan Gorce, le socialisme reste une idée d’avenir, à condition que l’on s’émancipe des logiques d’appareil et de la paresse intellectuelle que ces dernières génèrent.

De fait, si l’aggiornamento ne s’est pas fait lors de ce congrès, il se fera ailleurs, avec ou sans le PS, car l’idée même de socialisme ne lui appartient plus à lui seul. Comme à ses origines, comme après la faillite morale et politique de la SFIO à la fin des années 1960, le socialisme ne peut renaître à partir d’un parti, réduit à sa portion congrue, mais à l’appui de structures, d’intellectuel.le.s ou de mouvements autour des forces sociales qui doivent participer à sa refondation. À partir donc « d’îles et d’un archipel », pour paraphraser Christian Paul.

Parce que le PS n’a pris la mesure de ce moment, n’a pas su dresser un inventaire convaincant du quinquennat précédent, n’a aucunement esquissé de réponse valable en direction des Français.e.s qui attendent de la gauche une opposition qui ne soit ni populiste, ni naïve, nous le quittons fort.e. de nos convictions pour un ailleurs qui reste à écrire.

William Leday et Melek Ekim, membres sortants du conseil national du parti socialiste.

© Photos : Pixabay et Flickr

William Leday

William Leday

est diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et titulaire d’un DEA en histoire. Ancien conseiller parlementaire, il est spécialisé en affaires stratégiques qu'il enseigne à Sciences-Po et en communication politique.
William Leday
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est diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et titulaire d’un DEA en histoire. Ancien conseiller parlementaire, il est spécialisé en affaires stratégiques qu'il enseigne à Sciences-Po et en communication politique.

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