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La politique étrangère française à l’épreuve de la crise vénézuélienne

Depuis une quinzaine de jours, la France et cinq autres Etats européens se sont mis dans le sillage des Etats-Unis dans le cadre d’un affrontement qui dure depuis plus de deux décennies avec un certain nombre d’Etats latino-américains gouvernés par des partis de gauche. Après la normalisation des relations entre la Havane et Washington initiées par Barack Obama, l’effondrement de plusieurs partis de gauche (Brésil, Argentine…), nous assistons au dernier acte d’une pièce dans laquelle des Etats européens risquent de jouer le rôle de supplétifs.

Oui ! En dépit d’une idéologie généreuse, des intentions initiales louables et, jusqu’au début des années 2010, la production de résultats incontestables, notamment dans la lutte contre la pauvreté, aujourd’hui largement oubliés, la révolution bolivarienne engagée par le régime d’Hugo Chavez en 1999 a clairement échoué. Adossé à la première réserve (prouvée) mondiale de pétrole, le modèle de développement n’a pas su offrir une perspective collective à une société dont les standards en matière d’éducation et de santé sont pourtant élevés, ni surmonter une crise majeure largement le fait de l’irresponsabilité du régime actuel.

Oui ! La répression tous azimuts, engagée bien avant l’avènement de Nicolàs Maduro, les violences inhérentes, de l’emprisonnement à la torture, en passant par l’exil de deux millions de Vénézuéliens et la souffrance endurée par des millions d’autres, justifient une ferme condamnation de la part de la communauté internationale et une intervention de cette dernière.

Pour autant, …

… faut-il que la France et les Européens se joignent à un bras de fer que Washington a engagé avec Caracas depuis l’avènement d’Hugo Chavez, qui n’est que l’un des multiples avatars d’un affrontement géopolitique et idéologique avec des régimes réputés d’obédience bolivarienne, et dont le Venezuela est la dernière incarnation ? Affrontement qui participe de la doctrine que le président Monroe énonça lors du discours sur l’état de l’Union de 1823 qui visait à faire comprendre à la vieille Europe que ce qui se passait sur les continents américains ne la regardait en rien. De fait, si le président américain engrange sans sourciller les soutiens européens dans cette lutte contre le régime de Nicolàs Maduro, les arrière-pensées des capitales européennes, si arrière-pensées il y a, ne seront probablement pas satisfaites à moyen terme.

… faut-il que les Européens participent d’une stratégie visant à promouvoir un leader, certes jeune, certes élu au perchoir du parlement de Caracas, mais non à la tête du pays, donc à la légitimité partielle, face à un chef d’Etat, Nicolàs Maduro, mal élu, et donc à la légitimité partiale ?Cette stratégie que Washington engage avec des capitales brésilienne et colombienne, dominées par une ultra-droite en connivence totale avec Donald Trump, renoue avec la stratégie de regime change qui implique une intervention armée des Etats-Unis – option aujourd’hui posée sur la table par le président américain. Rappelons que cette stratégie du regime changeavait été abandonnée par l’administration Obama après qu’elle se soit fracassée tant en Afghanistan qu’en Irak pour les Américains, et en Libye pour les Européens. Ici, elle s’appuie sur une lecture pour le moins dévoyée des institutions et n’est bien évidemment pas sans rappeler les errements passés de certaines anciennes puissances coloniales en Afrique. Appuyer en ce sens peut créer des précédents qui feront jurisprudence.

… faut-il enfin que les Européens, au premier chef Paris, favorise les ferments, déjà nombreux, d’une guerre civile au Venezuela ? Avec près de 6 000 morts recensés à ce jour, celle-ci est déjà larvée dans les faits à défaut d’être reconnue par les parties prenantes. Nul doute qu’une telle guerre durera, provoquera des dizaines de milliers de victimes, fracturera durablement le pays… et engendrera des conséquences dans toute la région. A cet égard, si les Etats-Unis interviennent militairement, cela suscitera une réaction de la part de nombreux partis politiques latino-américains pour qui la violence politique fait partie des modalités d’action, et dont la lutte contre l’hégémonie américaine est un postulat qui transcende les frontières nationales.

Héritière d’une longue tradition diplomatique qui fait de la prise en compte des situations complexes une marque de fabrique, la politique extérieure de la France, comme celle de bien d’autres capitales européennes, joue à contre-emploi, et, à tout le moins, grille les étapes. Pour conjurer les affrontements à venir et poser les bases d’une transition démocratique, la mise en place d’une médiation internationale sous l’égide des Nations unies comme le propose Moscou devrait constitue la première étape, les capitales européennes seraient bien inspirées d’explorer cette voie plutôt que de souffler sur les braises d’un conflit dont la résonance régionale est en tout état de cause sous-estimée.

William Leday

William Leday

est diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et titulaire d’un DEA en histoire. Ancien conseiller parlementaire, il est spécialisé en affaires stratégiques qu'il enseigne à Sciences-Po et en communication politique.
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est diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et titulaire d’un DEA en histoire. Ancien conseiller parlementaire, il est spécialisé en affaires stratégiques qu'il enseigne à Sciences-Po et en communication politique.

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