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Intelligence artificielle : vers une révolution géopolitique?

Le développement exponentiel de l’intelligence artificielle (IA) dans les domaines économique et militaire est en passe de bouleverser la hiérarchie des puissances mondiales. Dans cette compétition, nouvelle et ardente, c’est la Chine qui tire son épingle du jeu.

1er septembre 2017. Vladimir Poutine déclare, devant un public d’étudiants médusés, que « celui qui deviendra le leader [dans le domaine de l’intelligence artificielle] sera le maître du monde », Avant de préciser que le monopole de quelque pays que ce soit sur cette technologie serait une menace pour tous, et que la Russie, si elle venait à détenir le leadership en la matière, partagerait cette technologie avec ses partenaires du monde entier. Qu’importe, le mal est fait. Quelques jours plus tard, Elon Musk, PDG de Space-X, prédit sur Twitter que la « lutte entre nations pour la supériorité en IA causera probablement la Troisième Guerre mondiale. »

LES AMBITIONS CHINOISES

La Chine développe aujourd’hui un projet monumental dans le domaine de l’IA. Le 20 juillet dernier, le Conseil des affaires de l’État publiait un « Plan de développement de la prochaine génération d’intelligence artificielle », dont le but est sans équivoque : faire de la République populaire le leader dans ce domaine. En effet, la Chine a l’intention de tirer profit de son « avantage du premier arrivant » (« first-mover advantage ») sur le marché de l’intelligence artificielle, afin de devenir « le premier pôle mondial d’innovation en IA », à l’horizon 2030, et ainsi détrôner les États-Unis.

À partir de ce nouveau cadre stratégique, la Chine s’est fixé trois objectifs : s’attaquer aux problèmes-clés en recherche et développement, développer une gamme de produits et d’applications, et mettre sur pied une industrie de l’IA.

           Pour aller plus loin : Intelligence artificielle : Homo Deus ou le vertige de l’avenir.

Pour s’emparer du leadership mondial, ce nouveau plan sera mis en œuvre par un organisme ad hoc (le Bureau pour la promotion du plan IA) au sein du ministère des Sciences et Technologies. Le projet s’articule en trois étapes : d’abord, d’ici 2020, le plan prévoit que la Chine rattrape le niveau des États-Unis ; vers 2025, elle devrait les dépasser et devenir leader dans le domaine ; vers 2030, enfin, la Chine a l’intention de s’imposer comme le principal pôle de recherche mondial en IA.

Le programme de développement chinois en IA pourrait accroître le PIB de la Chine de 26 %, d’ici 2030.

Dès lors, l’intelligence artificielle devrait irriguer de nombreux champs d’intervention de la puissance étatique, depuis les politiques sociales jusqu’à la stratégie de défense. L’industrie de l’IA devrait directement générer plus de 148 milliards de dollars de valeur ajoutée — et même 1 480 milliards de dollars au total, en tenant compte des revenus indirects produits par ce secteur. Tandis que les dirigeants chinois s’inquiètent du ralentissement de la croissance depuis plusieurs années, une étude récente estime que le programme de développement chinois en IA pourrait accroître le PIB de la Chine de 26 %, d’ici 2030. Pékin a par conséquent tout intérêt à investir massivement dans ce champ de recherche.

Par ailleurs, le programme chinois n’est pas conduit à des fins purement civiles. Le gouvernement a l’intention que ses avancées scientifiques et technologiques en matière d’IA, dans le domaine civil, puissent être rapidement converties dans le domaine militaire. C’est sur ce point, en particulier, que se cristallisent les inquiétudes américaines.

LES FAIBLESSES AMÉRICAINES

De son côté, le gouvernement américain ne semble pas prendre exactement la mesure du problème. Le 1er novembre dernier, Eric Schmidt, directeur du Defense Innovation Board, au sein du Département de la Défense américain, et président exécutif d’Alphabet (maison-mère de Google), pointait du doigt le risque réel pour les États-Unis d’être dépassés par la Chine dans le domaine de l’IA. Pis, il évoquait la menace que font peser les avancées technologiques chinoises sur le leadership miliaire américain.

Le principal problème des États-Unis, et notamment du Département de la Défense, selon Eric Schmidt, ce sont les pesanteurs bureaucratiques qui entravent toute démarche novatrice, alors que la Défense américaine a un besoin vital de rattraper son retard dans le domaine de l’IA. Et pour cause, il faut plusieurs années, voire plusieurs décennies pour qu’un projet en intelligence artificielle soit mené à fin et devienne opérationnel. Il est donc urgent de rectifier le tir.

Pour ce faire, le Département ne peut pas uniquement compter sur ses propres moyens. S’il souhaite rattraper son retard dans des délais raisonnables, il doit compter sur l’appui de firmes innovantes du secteur privé. À ce titre, l’arrivée d’Eric Schmidt au Département de la Défense n’est pas un hasard. L’ancien patron de Google (2001-2011), par sa seule présence, illustre l’incapacité du secteur public américain à relever seul les grands défis stratégiques du XXIe siècle, en particulier la menace qui pèse sur le leadership américain.

© Photos : Pixabay

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