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Florian Bachelier : « La maîtrise de la dépense publique, c’est de la justice sociale »

Primo-député d’Ille-et-Vilaine de La République En Marche (LREM), Florian Bachelier a été nommé premier questeur de l’Assemblée nationale quelques jours après son élection en juin dernier. Un poste stratégique pour cet ancien avocat d’affaires, proche du chef de file des députés de la majorité, Richard Ferrand.

Le 5 novembre dernier, Florian Bachelier a dévoilé dans le Journal du dimanche les ambitions de son plan d’économies pour l’Assemblée, nuancées dès le mercredi suivant par François de Rugy. Ce dernier n’aurait, semble-t-il, que peu goûté la prise d’initiative du jeune député, qui s’est empressé de préciser qu’il s’exprimait au nom du collège des questeurs dans son ensemble. Ce qui n’a pas empêché le président de l’Assemblée de balayer d’un revers de main les propositions concernant la fin d’un certain nombre de privilèges dont jouissent les anciens présidents du Parlement, ainsi que la remise en cause de l’achat, par l’Assemblée, de l’Hôtel de Broglie, à quelques encablures du Palais Bourbon, dont la facture totale s’élèverait à 100 millions d’euros. Pour Chronik, Florian Bachelier a accepté de revenir sur le sens des mesures qu’il préconise.

Avez-vous interprété la levée de boucliers suscitée par l’article paru dans le Journal du dimanche comme une manifestation du conservatisme de l’Assemblée nationale ?

En réalité, je n’ai pas constaté de réelle levée de boucliers. J’ai surtout reçu nombre de manifestations de soutien de la part de gens qui sont venus à ma rencontre ou qui m’ont écrit, de collègues d’autres bancs, comme Valérie Rabault ou Cécile Untermaier, de la Nouvelle Gauche. Pas de Luc Carvounas [député Nouvelle Gauche, qui avait fustigé la démarche de F. Bachelier], mais en ce qui me concerne, je considère qu’il est la meilleure des boussoles. Quand Luc Carvounas « couine », c’est qu’on est dans la bonne direction. Même de la part de la France insoumise, j’ai eu des retours plutôt positifs, pas forcément sur la maîtrise des budgets, mais sur la question du renforcement des moyens de l’opposition.

La maîtrise de la dépense publique n’est pas un concept ex nihilo, pour moi c’est de la justice sociale. Il y a l’exemple du canapé à 1200 euros dans un couloir de l’Assemblée. Il se trouve que moi, je sais raisonner en termes de canapés Ikea, et que 1200 euros, c’était le montant de ma bourse pour accéder à mes études. Cet argent qu’on n’utilise pas dans ce poste de dépense, on va l’utiliser ailleurs, et notamment dans le renforcement des moyens du Parlement. Concernant les crédits collaborateurs, on va augmenter l’enveloppe de 10 %. C’est forcément bénéfique pour tout le monde, y compris pour l’opposition. Appuyer les moyens du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques va dans le même sens, celui qui consiste tout simplement à fabriquer de la norme pertinente. Il ne s’agit pas de mise à la diète, il s’agit de peser, et de bien peser.

Que vous inspire le fait que vos propositions aient été perçues par certains comme une forme de démagogie ?

Il s’agit d’une position très minoritaire, François de Rugy lui-même s’est engagé pour une transformation profonde de la maison, il participe d’un même mouvement. Nous, en tant que questeurs, avec Thierry Solère et Laurianne Rossi, notre quotidien, ce sont les chiffres. Nous voyons passer chaque euro dépensé, nous maîtrisons toutes les données, ce qui n’est pas le cas d’Aurore Bergé [députée LREM qui s’était plainte en réunion de groupe de la méthode de communication du premier questeur, jugée trop personnelle]. Je suis convaincu qu’une fois que tout le monde aura eu accès à l’ensemble des données et aura bien compris les enjeux de ces réformes, le collège des questeurs sera soutenu par l’ensemble de la majorité, à commencer par François de Rugy. Je n’ai aucun doute là-dessus.

Et puis sur la méthode, il y a trois autorités au sein de l’Assemblée qui sont habilitées à édicter des avis : le président, le bureau, et le collège des questeurs. Nous avons la responsabilité du budget de l’Assemblée nationale, et nous l’exerçons à plein, avec les prérogatives qui sont les nôtres. Moi, je pars d’un constat : ce qui nourrit l’antiparlementarisme, c’est le fait de donner l’impression de dissimuler des faits. Je pense qu’il faut mettre tous les sujets sur la table. C’est ce qu’a permis l’article du JDD. Et tout au long de la semaine, de quoi a-t-on parlé ? Du renforcement des moyens du Parlement. La mission est donc réussie. Par ailleurs, je ne demande pas à Aurore Bergé de m’informer en amont de chacune de ses déclarations dans la presse. La question fondamentale est celle-ci : comment chacun d’entre nous contribue à retisser le lien de confiance avec les Français ? Et si c’était à refaire, je ne procèderais pas autrement.

Dans ma démarche, il y a une dimension d’exemplarité politique, et je l’assume totalement.

Par ailleurs, il y a eu le Congrès de Versailles, on peut toujours feindre de ne pas avoir entendu mais j’étais au premier rang et j’ai bien écouté le Président de la République. Il a évoqué la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires. Donc concernant l’Hôtel de Broglie et au vu de cette annonce, aller acheter et aménager un hôtel particulier dans le 7e arrondissement, personnellement, je n’ai pas envie de porter cette requête. Et donc l’avis du collège des questeurs, car nous allons remettre à l’ordre du jour la question de l’Hôtel de Broglie et des avantages particuliers des anciens présidents, sera celui qu’on a déjà exprimé. Et si demain le bureau de l’Assemblée nationale fait évoluer sa position, se rappelle en somme les termes de la déclaration du Président de la République, on ne pourra pas accuser le collège des questeurs d’avoir été négligent.

On évoque souvent un groupe parlementaire LREM qui serait au garde-à-vous et privé d’initiative ; pensez-vous faire les frais d’une communication verrouillée à l’extrême ? En d’autres termes, n’êtes-vous pas trop libre pour un groupe tel que celui auquel vous appartenez ?

Je ne pense pas. Lors de notre réunion de groupe, il y a eu une remarque de la part d’Aurore Bergé, mais l’ensemble de mes collègues a applaudi. Car le message que je leur ai adressé est simplement : « Je vous ai compris » (rires). Ou en tout cas, je les ai entendus. Tout cela découle de tous les retours que j’ai reçus de la part de députés qui se plaignaient de leurs conditions de travail, de locaux exigus, du manque de wifi, de l’impossibilité de mettre une chaise dans un bureau pour recevoir. Encore une fois, il s’agit simplement d’être cohérent dans nos choix financiers.

Seriez-vous prêt à revenir sur le budget de la questure et les avantages particuliers liés à votre fonction ?

Tous les sujets sont sur la table. Est-ce que j’ai besoin d’un chauffeur ? Non. En revanche, d’un collaborateur supplémentaire pour m’aider à travailler sur les dossiers qui sont les miens, oui. J’ai entendu cet argument, notamment de la part d’Olivier Faure [président du groupe Nouvelle Gauche à l’Assemblée], selon lequel les questeurs devraient d’abord s’occuper de leurs petits privilèges. Mais c’est évident que l’on commence par nous, et que l’on va y travailler. Il serait absurde que dans ma position, je m’accroche à mon carrosse.

N’y a-t-il pas dans votre démarche une dimension stratégique consistant à montrer l’exemple pour pouvoir ensuite assumer et défendre devant les Français la politique de rigueur budgétaire du gouvernement ?

Moi, je ne parle pas de rigueur, mais on a déjà demandé aux Français, aux entreprises, aux collectivités locales de faire des efforts. Alors pourquoi le législateur n’en ferait-il pas ? C’est l’exemple de la retraite. À compter du 1er janvier 2018, les députés vont voir leurs pensions de retraite baisser de 37 %. Ce qui nous permettra d’aborder sereinement la question de l’harmonisation des quarante-sept régimes. Oui, il y a une dimension d’exemplarité politique, et je l’assume totalement.

Et puis on peut faire comme si Marine Le Pen n’était pas présente au second tour d’une élection majeure et comme si la défiance des Français vis-à-vis du personnel politique n’existait pas, mais ce n’est pas notre méthode. Ce que nous voulons, c’est produire des résultats, d’une part, donner des gages de confiance, d’autre part. Et c’est tout le sens de ma démarche.

© Photo : France 3 Régions

Soizic Bonvarlet

Soizic Bonvarlet

est journaliste bi-media pour LCP, Slate et Politis(International/Parlement/ Culture), et membre du comité de rédaction de la revue Charles.
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