Les élections nationales se suivent et se ressemblent en Europe. Le 3 juin dernier, le Parti démocratique slovène (SDS), conservateur et anti-migrants, a remporté les élections législatives en Slovénie, en réunissant 25 % des voix. Toutefois, cette victoire est en demi-teinte puis que six partis sur les neuf qui étaient candidats ont annoncé qu’ils refusaient de faire une coalition avec le SDS et son leader, Janez Jansa.
Les dernières élections slovènes ont été également marquées par une chute dans les urnes du parti de centre gauche (SMC) qui rassemble uniquement 9,7 % des suffrages alors même qu’il est le parti du Premier ministre sortant, Miro Cerar. Ainsi, même si le SDS est en mauvaise posture pour construire un gouvernement de coalition, les résultats de ces élections traduisent une tendance lourde en Europe : effondrement de la gauche de gouvernement, montée en force des partis nationalistes et anti-immigration et renforcement du bloc eurosceptiques à l’Est.
Une nouvelle victoire pour les partis nationalistes
Le leader du SDS, Janez Jansa, a été chef du gouvernement slovène de 2004 à 2009, puis de février 2012 à mars 2013. Il a été condamné à une peine de prison en 2014, jugement dont il a obtenu l’annulation. Son retour en politique a été fondé sur un discours anti-migrants aux accents xénophobes, à l’image du discours de Victor Orbán en Hongrie. D’ailleurs, ce dernier considère que Janez Jansa est le « garant de la survie du peuple slovène » et lui a apporté son soutien politique.
Pourtant, le contexte économique du pays est plutôt bon avec une reprise de la croissance et un taux de chômage bas. Mais la bonne santé de l’économie ne fait pas tout. Les Slovènes ont souffert de dix ans d’austérité et d’une stagnation sociale qui touche actuellement toute l’Europe et surtout les classes moyennes.
En outre, si le pays a accueilli uniquement 217 réfugiés dans le cadre du règlement de Dublin, il a vu 500 000 migrants le traverser, ce qui a conduit à la création d’une clôture de 200 kilomètres le long de sa frontière avec la Croatie.
Une difficile coalition à créer
Malgré sa victoire, le SDS va peiner à créer une coalition pour diriger le pays car les 25 sièges obtenus au Parlement (sur 90) ne sont pas suffisants pour gouverner seul. Et le parti de centre droit, Nouvelle Slovénie, qui a réuni 7,1 % des suffrages est l’unique formation à lui avoir assuré son soutien.
La liste conduite par l’ancien humoriste Marjan Serec, le parti du centre moderne du Premier ministre sortant, les sociaux-démocrates et parti de gauche Levica ont annoncé qu’ils refusaient de créer une coalition avec le parti de Jansa, en raison de ses positions anti-immigration et de son discours aux accents autoritaires rappelant beaucoup de celui d’Orbán. Ces cinq partis réunissent 47 sièges au Parlement.
La liste arrivée en deuxième position avec 13 sièges était conduite par Marjan Sarec. Ce dernier refuse de discuter avec le SDS dont il estime qu’il veut répandre la peur. Dans le cas où le SDS échouerait à constituer une coalition, Marjan Sarec pourrait avoir à constituer une coalition à la demande du Président slovène, Borut Pahor. Si ces élections sont marquées par les bons score du SDS, elles montrent également de forts clivages politiques au sein du pays, ce qui complique fortement la situation.
Une multiplication des discours anti-migrants en Europe
Au-delà de l’avenir politique de la Slovénie, ces résultats montrent un renforcement de la rhétorique anti-migrants, notamment à l’Est de l’Europe. Le groupe de Višegrad, composé de la Pologne, de la République-Tchèque, de la Slovaquie et de la Hongrie, se renforce avec l’entrée du FPÖ en Autriche dans une coalition avec la droite et de la réussite électorale de la Ligue en Italie.
La politique des quotas de migrants que l’Union européenne a voulu mettre en place se révèle être un échec car seuls quatre pays ont respecté leur engagement sur les 28 États membres. En septembre 2017, sept n’avaient absolument pas respecté les quotas imposés par Bruxelles.
À l’approche des élections européennes, la montée en puissance des idées de rejet de l’autre et de repli sur soi doivent questionner sur les réponses politiques à offrir.
Les partis nationalistes et leurs électeurs refusent que l’Union européenne impose aux États des politiques qu’ils estiment aller à l’encontre de leurs intérêts nationaux. Ils mènent une bataille culturelle contre tout ce qu’ils estiment être une mise en danger de la civilisation occidentale, chrétienne et blanche. L’ennemi est double, à la fois extérieur et intérieur, avec l’Islam et le monde musulman, en particulier. Ce projet identitaire inclusif est également un moyen de répondre à la mondialisation en construisant des espaces fermés.
S’il est peu probable que les élections slovènes aboutissent à l’arrivée au pouvoir d’un parti nationaliste de tendance illibérale, elles démontrent cependant la progression très forte de ces idées sur l’ensemble du continent européen. À l’approche des élections européennes, la montée en puissance des idées de rejet de l’autre et de repli sur soi doivent questionner sur les réponses politiques à offrir.
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