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En quittant l’Unesco, Trump confirme son mépris de la science et du monde

Le jeudi 12 octobre, les États-Unis ont fait savoir, par la voix de leur département d’État, qu’ils quittaient l’Unesco. Deux raisons ont été avancées : l’action « anti-israélienne » et le mode de fonctionnement de l’Organisation. Quelques heures plus tard, Israël leur emboîtait le pas. Ce retrait, qui n’entrera en vigueur qu’au 31 décembre 2018, fragilise l’Unesco mais isole un peu plus les États-Unis sur la scène mondiale.

Depuis de nombreuses années, Israël s’estimait discriminée par l’Unesco qui l’a souvent décrite comme une « puissance occupante », coupable d’« agressions » et de « mesures illégales contre la liberté de culte. » Il est vrai également que l’Unesco est allée plus loin que l’Onu, par exemple, dans la reconnaissance des droits des Palestiniens et de l’autorité palestinienne. En faisant de cette dernière, en 2011, son 195e membre, elle s’était attirée les foudres d’Israël, dont l’ambassadeur auprès de l’Unesco, Nimrod Barkan, avait alors dit : « L’Unesco s’occupe de science, pas de science fiction », signifiant que l’État palestinien n’était pas reconnu au niveau international et accusant donc l’Organisation d’outrepasser ses compétences.

C’est cet événement qui avait conduit les États-Unis à ne plus s’acquitter de leur cotisation, occasionnant de graves difficultés financières pour l’Unesco – les États-Unis contribuant à plus de 20% à son budget. Une ancienne disposition juridique prévoit en effet une rupture du financement étasunien de toutes les agences des Nations unies acceptant la Palestine comme l’un de leurs membres. Le Président Obama n’avait pas pu s’y opposer. En 2013, après deux années sans payer, les États-Unis ont perdu leur droit de vote à l’Unesco. Fin 2017, le total des arriérés financiers s’élèvera à un demi-milliard de dollars.

Occulter l’échec de Trump à résoudre le conflit israélo-palestinien

En juillet dernier, l’Unesco avait par ailleurs inscrit la vieille ville d’Hébron à son Patrimoine mondial dans le but de protéger plusieurs monuments palestiniens comme le tombeau des Patriarches, « un site non juif ». Le premier ministre Netanyahou avait parlé de décision « délirante ». La Maison blanche avait pour sa part fait savoir qu’elle allait reconsidérer ses liens avec l’Unesco, parlant, par la voix de Nikki Haley, ambassadrice des États-Unis à l’Onu, d’« affront à l’histoire », qui « discrédite encore plus une agence onusienne déjà hautement discutable. » Les signes avant-coureurs étaient donc bien présents.

Mais comme souvent, avec Trump, une décision « coup de poing » a vocation à faire oublier l’échec d’une promesse. Son obsession de faire le contraire de son prédécesseur l’avait, fin 2016, à peine élu, conduit à remettre vivement en question une récente, et inattendue, décision de l’administration Obama de ne pas opposer de véto à une résolution de l’Onu critiquant la colonisation israélienne.

Néanmoins, malgré des déclarations tonitruantes pendant sa campagne et les premières semaines de sa présidence – déménager l’ambassade étasunienne à Jérusalem, conclure « le plus grand accord de paix jamais réalisé » grâce à l’entreprise de Jared Kushner, son gendre inexpérimenté en géopolitique -, force est de constater que la situation est au point mort. Les discours incantatoires ont leurs limites, d’autant que Trump n’a pas (affiché) de position claire sur la question israélo-palestinienne. Son annonce, imminente, clarifiant la décision des États-Unis sur le traité nucléaire iranien et sur d’éventuelles nouvelles sanctions contre l’Iran, est très attendue par le pouvoir israélien, mais elle ne règlera pas les relations avec les Palestiniens.

De l’isolationnisme à l’isolement

Après le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, le 1er juin dernier, Trump, avec cette volonté de quitter l’Unesco – même si le pays y gardera un statut d’observateur -, s’isole un peu plus sur la scène mondiale.

En 1984, Ronald Reagan – dont Trump s’inspire beaucoup, au point de lui reprendre son slogan « (Let’s) Make America Great Again » – avait déjà décidé de quitter l’Unesco, également pour des raisons budgétaires, mais aussi pour les liens présupposés de l’Organisation avec le communisme mondial. Les États-Unis avaient réintégré l’Unesco en 2002, sous George W. Bush qui voulait atténuer, aux yeux des Nations unies, la portée de sa décision unilatérale de déclencher une guerre en Irak.

Il est certes difficile, et c’est sans doute insupportable pour Trump, de faire entendre la voix de son pays à l’Unesco car le principe du droit de véto n’y existe pas, contrairement à l’Onu dont il serait par ailleurs plus  lourd de conséquences de sortir. L’Onu, où le président des États-Unis a prononcé il y a quelques semaines un discours très offensif contre le multilatéralisme et attisant les tentations nationalistes.

Lire aussi : « Trump à l’ONU. Un discours ‘coup de poing’ pour masquer l’absence de stratégie. »

Irina Bokova, l’actuelle directrice de l’Unesco, a déploré, le 12 octobre, la décision des États-Unis, insistant sur l’importance de la lutte contre les extrémismes et le dialogue entre les cultures dans le monde. « C’est une perte pour la famille des Nations unies et pour le multilatéralisme », a-t-elle ajouté. Pour elle, « le peuple américain partage les objectifs de l’Organisation » – sous-entendu, peut-être, « contrairement au président Trump. »

La France, qui a présenté Audrey Azoulay pour lui succéder à la tête de l’Unesco – le vote définitif est proche -, a dit regretter le retrait américain « dans une période où le soutien de la communauté internationale à cette organisation est primordial » mais entend bien tirer parti du choix des États-Unis, dans la lignée du dispositif « Make Our Planet Great Again » et de l’accueil de scientifiques américains spécialistes du climat. Ces jours derniers, selon le Washington Post, l’ambassadeur français aux Nations unies avait tenté de convaincre les États-Unis de ne pas quitter l’Organisation, afin de « rester engagés dans les affaires du monde »

L’Unesco représente tout ce que Trump déteste

Située à Paris, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture est considérée par les électeurs de Trump comme bien éloignée des priorités des États-Unis. On se rappelle ce passage de la déclaration du président étasunien annonçant la sortie de l’Accord de Paris, lorsqu’il a dit vouloir défendre « Pittsburg, pas Paris », glorifiant l’image des blue-collar workers de la mine et de l’automobile versus une élite parisienne mythifiée, vue comme hostile aux préoccupations des habitants de la Rust Belt. Si le retrait des États-Unis de l’Unesco est surtout symbolique, les symboles ont une portée. Pour Trump, l’Unesco fait partie de l’establishment, c’est une bureaucratie inutilement complexe et coûteuse qui ne sert pas directement les intérêts des États-Unis.

L’Unesco, c’est la science et la culture. Et l’on ne peut pas dire qu’elles figurent parmi les priorités d’un président très peu cultivé, qui s’informe essentiellement par Twitter et sur Fox News.

Il y a plus. L’Unesco, c’est le soutien à l’éducation, dans un but notamment de prévention des guerres et du terrorisme, auxquels Trump a choisi de répondre par une augmentation exponentielle du budget militaire des États-Unis. Au nom du slogan « America First », il souhaite également réduire de plus d’un tiers le budget du département d’État, notamment les programmes civils en faveur de l’aide au développement et de la recherche. Cette mesure, contreproductive pour le maintien de la paix et de la sécurité des États-Unis dans le monde, a suscité l’opposition du Congrès et de plusieurs hauts gradés de l’armée.

L’Unesco, c’est ensuite la science et la culture. Et l’on ne peut pas dire qu’elles figurent parmi les priorités d’un président très peu cultivé, ignorant de pans entiers de l’histoire américaine, qui s’informe essentiellement par les comptes Twitter de ses soutiens et sur Fox News, et qui a succédé à un amoureux des livres et diplômé des plus grandes universités. Méprisé depuis toujours par le New York intellectuel, Trump prend, sur ces « élites », revanche sur revanche. Quant aux chercheurs, il n’a cessé de leur opposer sa défiance sur les questions environnementales, en s’entourant de climatosceptiques.

L’Unesco, c’est également la liberté d’expression. Or, ces derniers jours, Trump a intensifié ses attaques contre les médias entamées depuis plus de deux ans. Il a ainsi affirmé, le 11 octobre, qu’il trouvait « franchement dégoûtant que la presse soit en mesure d’écrire ce qu’elle veut », laissant entendre qu’il pourrait remettre en cause la liberté d’expression, alors qu’elle est garantie par le premier amendement de la Constitution.

L’Unesco, c’est aussi les droits des femmes dans le monde. En signant, comme ses prédécesseurs républicains, et dès son arrivée à la Maison blanche, un décret qui coupe les subventions fédérales aux associations internationales dont au moins une des activités est l’accès à, ou l’information sur l’avortement, Trump a délibérément ciblé les femmes, et en particulier les femmes défavorisées de nombreux pays du monde.

Finalement, l’Unesco, c’est tout ce que Trump déteste.

© Photo : Flickr

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Marie-Cécile Naves

Marie-Cécile Naves