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Serge Orru : « Nous devons imposer une économie du moindre impact sur l’environnement »

La bataille des municipales à Paris est lancée… Chronik souhaite en rencontrer les acteurs. Nous inaugurons cette séquence par une interview de Serge Orru, conseiller auprès de la Maire de Paris, chargé du Développement durable, de l’Environnement, du Plan climat et de l’Économie circulaire. Des sujets ô combien politiques.

Chronik.fr : Un mot d’abord sur votre parcours. Comment un citoyen issu de la société civile devient-il conseiller auprès de la Maire de Paris ? En quoi consiste votre fonction de conseiller « environnement » ?

  1. O. : J’ai débuté ma carrière professionnelle dans le tourisme, j’ai travaillé pendant 20 ans dans une entreprise de tourisme social où j’ai pu m’épanouir. J’étais moniteur de ski et suis devenu, après différentes étapes, le Directeur France de cette entreprise.

Fasciné par les Amérindiens, j’ai appris l’écologie grâce à la relation à la nature de ces peuples martyrisés. Pour moi, l’écologie, c’est la relation du vivant, mais c’est aussi l’art des relations humaines. En 1992, j’ai créé le Festival du Vent, pluraliste, multiculturel, dédié autant aux sports qu’aux arts et à l’écologie, à Calvi. Avec Carina, mon épouse, nous en avons réalisé 22 superbes éditions qui nous ont beaucoup appris et nous ont construits. C’est dans ce cadre que j’ai été à l’initiative de la campagne « Halte aux sacs plastiques » initiée en Corse, résolument tournée vers l’évolution d’une société du jetable vers une société du durable.

J’ai également été à l’initiative du Festival de l’OH dans le Val-de-Marne. Co-initiateur du Grenelle de l’Environnement, je suis également à l’origine de l’audit de la Cour des Comptes sur le coût de la filière du nucléaire en France (janvier 2012). En 2006, je suis devenu Directeur général du WWF et le suis resté durant plus de six ans et puis je me suis engagée auprès d’Anne Hidalgo, à sa demande, dès le début de sa campagne, avec « Oser Paris ».

En tant que conseiller auprès de la Maire de Paris, je suis comme un « sachet d’infusion écologique » au sein de son cabinet. Je prodigue en permanence de l’information, des recommandations, et des propositions d’actions concrètes à réaliser à la Maire qui lit et travaille énormément ces sujets.

Chronik.fr : Quel est le bilan actuel de l’action environnementale de la Maire de Paris ?

  1. O. : Le bilan est vaste. Je souhaiterais citer quelques actions en particulier. Paris constitue le premier acheteur public bio de France et la part des produits biologiques et locaux dans la restauration collective parisienne représente déjà 37,7 %. Nous visons les 50 % en 2020. La Ville vient de se doter d’une stratégie alimentaire ambitieuse dont l’objectif est de développer un système alimentaire durable, inclusif et de favoriser l’accès de tous à des aliments sains, locaux et abordables.

L’agriculture urbaine est loin d’être un sujet anecdotique à Paris : aujourd’hui, grâce à l’action municipale déterminée et aux appels à projets « Parisculteurs », plus de 15 hectares sont ouverts à des projets d’agriculture urbaine. L’événement populaire « BiodiversiTerre », qui vient d’accueillir des dizaines de milliers de citadins, place de la République, est un point de rencontre entre le monde agricole et le monde écolo. Et il y a du boulot !

Nous avons également intégré le concept d’économie circulaire dans la Ville : dès 2015, nous avons organisé les États généraux de l’économie circulaire, et nous organiserons en fin d’année les Assistes du BTP à l’échelle du Grand Paris. À travers les appels à projets « Réinventer Paris », « Réinventer la Métropole » et « Réinventer la Seine », nous diffusons progressivement l’économie circulaire dans la construction et la rénovation des bâtiments. Depuis 2016, ce sont 17 028 logements privés qui ont été accompagnés par le dispositif « Éco-Rénovons Paris ».

Nous nous attelons également à étendre la nature en ville. Le Conseil de Paris a adopté à l’unanimité, en mars dernier, son Plan biodiversité. Depuis 2014, ce sont ainsi plus de 10 000 arbres qui ont été plantés et 14 hectares de parcs et jardins ouverts. Symboliquement, nous avons également attribué la citoyenneté d’honneur à la biodiversité et signé la Déclaration universelle des droits de l’Humanité.

La Ville agit par ailleurs contre la pollution de l’air : les municipalités de Paris, Bruxelles et Madrid ont saisi la justice européenne pour faire annuler la décision de la Commission européenne de doubler le « permis de polluer » accordé aux constructeurs automobiles.

La Maire a aussi porté une action pour lutter contre le diesel qui a eu un impact direct sur la pollution à Paris. À horizon 2024, nous visons l’objectif de zéro véhicule diesel et de 100 % de bus propres, et celui de zéro véhicule essence à horizon 2030. À l’initiative d’Anne Hidalgo et en collaboration avec Patrick Ollier, le Président de la Métropole du Grand Paris, l’Observatoire mondial des villes sur la qualité de l’air – Guapo – a été lancé en 2016 pour permettre aux villes de partager leurs expertises et expériences en matière de mesure de la qualité de l’air. Par ailleurs, grâce à une convention de partenariat avec Enedis, la Fondation du Souffle, Airparif et PlanetWatch, le dispositif « Pollutrak » mesure, grâce à 300 capteurs installés sur la flotte mobile d’Enedis, la pollution des particules fines dans les rues de Paris, au service des Parisien.ne.s. Il nous faut mieux connaître la pollution pour la réduire.

Lors de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons été à l’initiative de la création du Comité d’excellence environnementale présidé par Isabelle Autissier, pour qu’une véritable stratégie de développement durable guide la candidature et la mise en œuvre du projet Olympique.

Pour une ville plus apaisée où les Parisien.ne.s se réapproprient l’espace public, et comme cela était inscrit dans son programme, la Maire de Paris a réalisé la piétonisation des berges de Seine rive droite, comme son prédécesseur, Bertrand Delanoë, l’avait fait pour les Berges de Seine rive gauche dès 2013. La Ville a également adopté son Plan vélo qui a permis 700 kilomètres de voies cyclables sur le territoire parisien et vise plus de 1 000 kilomètres de voies cyclables en 2020. Enfin, Anne Hidalgo soutient fortement SeaBubbles, qui constitue une véritable innovation – un bateau mi-flottant, mi-volant, électrique, avec zéro émission et zéro bruit –, qui est totalement en phase avec les objectifs portés par Paris de développer de nouvelles formes de mobilités, respectueuses de l’environnement, et notamment le transport fluvial sur la Seine.

Des lieux « multi-culturaux » et pluridisciplinaires ont également émergé sur le territoire, à l’image des Canaux au bord du canal de l’Ourcq qui constitue un lieu unique de viviers d’entrepreneurs, d’entreprises, de startupers et d’associations du champ de l’innovation et de l’économie sociale et solidaire. Sa rénovation est un exemple d’économie circulaire.

Enfin, lors de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons été à l’initiative de la création du Comité d’excellence environnementale présidé par Isabelle Autissier, pour qu’une véritable stratégie de développement durable guide la candidature et la mise en œuvre du projet Olympique. De même, dès 2016, nous avons instauré la charte des événements écoresponsables qui a inspiré celle adoptée par la suite par le ministère des Sports. Dans cet esprit, nous signerons également très prochainement la Charte des gestionnaires de sites écoresponsables portée par ce ministère.

L’administration se devant d’être exemplaire, depuis 2015 par exemple, 100% de la consommation électrique des services municipaux est alimentée en électricité d’origine renouvelable.

Chronik.fr : Quels sont les objectifs et priorités du nouveau « Plan climat air énergie » ?

  1. O. : Conformément aux engagements pris à l’international à l’occasion de la COP21, le Plan climat air énergie de Paris est porteur d’une ambition forte : faire de la capitale une ville neutre en carbone et entièrement convertie aux énergies renouvelables d’ici 2050. Adopté à l’unanimité au conseil de Paris de mars dernier, il fait de Paris une capitale innovante et engagée dans la lutte contre le changement climatique.

De la rénovation thermique des bâtiments à l’instauration d’une finance verte, en passant par la promotion des mobilités douces et d’une alimentation plus durable, le développement de la biodiversité et l’encouragement au recyclage des déchets, les solutions ne manquent pas pour atteindre cette ambition. Paris souhaite ouvrir la voie en devenant une ville plus résiliente et respectueuse de son environnement.

Les Parisien.ne.s ont véritablement conscience que l’atteinte des objectifs du Plan climat passe par le changement des comportements de chacun.e.

Ainsi, par exemple, ce Plan prévoit, en matière d’énergie, de rénover un million de logements et de produire localement 20 % d’énergies renouvelables d’ici 2050 (panneaux solaires, puits géothermiques…). En matière d’alimentation, l’objectif est de 50 % de produits biologiques et locaux dans la restauration collective parisienne en 2020 et de 50 % d’aliments consommés à Paris issus de denrées agricoles du Bassin Parisien en 2030. En matière de végétalisation, 100 hectares de toits et murs végétalisés dont un tiers d’agriculture urbaine sont prévus en 2020, ainsi que 30 hectares d’espaces verts nouvellement ouverts au public. En matière de déchets, il s’agit de généraliser la collecte des déchets alimentaires à compter de 2020 et de réduire de 50 % le gaspillage alimentaire d’ici 2025

80 % des objectifs du Plan climat dépendent de l’action quotidienne des Parisien.ne.s. Sa réussite dépend donc en grande partie de la mobilisation des citoyen.ne.s pour transformer un constat et une envie d’agir en programme et en réalisations concrètes. C’est la raison pour laquelle la Maire de Paris a décidé d’organiser une grande votation citoyenne qui les invitait à se prononcer sur ce nouveau Plan.

Il a été adopté à 95,95 % par les Parisien.ne.s. Sur les 73 000 votant.e.s, plus de 15 000 se sont déclaré.e.s « volontaires du climat ». Il ressort que la société parisienne apporte un soutien ancré à la politique particulièrement volontariste conduite par la Ville de Paris en matière de transition écologique, mais également que les Parisien.ne.s ont véritablement conscience que l’atteinte des objectifs du Plan climat passe par le changement des comportements de chacun.e.

Chronik.fr : L’action environnementale de la Mairie de Paris est suivie par divers lobbies (favorables ou opposés à votre politique). Pourquoi et comment certains d’entre eux tentent-ils de freiner votre action ?

  1. O. : Lorsque nous sommes écologistes, nous menons des actions qui nous semblent utiles et qui sont forcément très attaquées. Ce n’est pas simple, mais il faut progresser sous la mitraille. Je reste un activiste avec des obligations de résultat. Le péril climatique et l’érosion massive de la biodiversité ne sont pas des fatalités. Nous ne sommes pas venus sur terre pour plastifier les océans et détruire notre environnement immédiat et lointain. Il faut former tous les futurs décideurs de nos grandes écoles à ces enjeux vitaux.

Car nous devons imposer une économie du moindre impact sur l’environnement. Bien évidemment, quand on s’attaque à la pollution de l’air, au diesel, aux perturbateurs endocriniens, quand on pousse fort sur les sujets écologiques, les attaques sont féroces. C’est Anne Hidalgo qui est en première ligne et je dois vous avouer sincèrement que j’admire son courage et sa bienveillance au quotidien. Nous avons tant à faire et c’est passionnant…

© Photos : Flickr (Paul Kamberis, Lexe)

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