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HomeArt(s)Naïl Ver-Ndoye : « J’ai toujours été fasciné par la question de la représentation des Noirs dans l’art. »

Naïl Ver-Ndoye : « J’ai toujours été fasciné par la question de la représentation des Noirs dans l’art. »

  • Historien et enseignant dans le secondaire, Naïl Ver-Ndoye est le co-auteur, avec Grégoire Fauconnier, de “Noir, entre peinture et histoire”, anthologie inédite qui revisite l’histoire de l’art à travers la représentation des Noirs dans la peinture européenne, du XIVème au milieu du XXème siècle, à travers près de 300 œuvres. Avec plus de 3000 d’exemplaires vendus depuis sa parution en septembre 2018, le livre est aujourd’hui un best-seller. Entretien. 

Propos recueillis par Sarah Adel  

  • Sarah Adel : “Qu’est-ce qu’un Noir et que fait-il dans ce tableau ?” C’est avec ces questionnements que vous engagez le lecteur en avant-propos de votre anthologie. Pour quelle définition avez-vous opté dans votre livre ?

Naïl Ver-Ndoye : Après de longues réflexions, nous avons choisi de sélectionner comme Noirs les individus qui se perçoivent comme Noirs et/ou ceux qui sont considérés par les autres comme Noirs.

  • Sarah Adel : Comment l’idée de cet ouvrage vous est venue et pourquoi ce livre ? Quelles ont été les différentes étapes de sa conception ?

Naïl Ver-Ndoye : J’ai toujours été fasciné par la question de la représentation des Noirs dans l’art. L’idée m’est venue alors que je contemplais un tableau dans un musée à Rennes qui contenait des personnages noirs et pour lequel j’ai eu un coup de cœur. J’ai aussitôt fait part de ce projet d’anthologie à mon collègue Grégoire Fauconnier qui a immédiatement été séduit et m’a suivi dans cette aventure.  Au fur et à mesure de mes recherches, je me suis aperçu que ce travail n’avait jamais été réalisé (excepté une encyclopédie de quinze volumes – dont 2 traduits en français – sur la représentation des noirs dans l’art occidental.

Tous deux enseignants dans le secondaire, nous avons conçu ce livre avec un réel souci didactique afin qu’il soit accessible à un plus grand nombre. Il s’adresse aussi bien aux passionnés d’art comme aux profanes, de même qu’aux personnes intéressées par le thème des Noirs dans l’Histoire.

  • Sarah Adel : A propos de l’histoire des Noirs, dans l’imaginaire collectif, ce thème est souvent observé à travers le prisme de la domination (colonisation, esclavage), qu’en est-il dans les représentations artistiques de votre ouvrage ?

Naïl Ver-Ndoye : A partir des 300 tableaux recensés avec Grégoire Fauconnier, dix thèmes principaux se sont dégagés naturellement, notamment la représentation des corps, la religion, l’esclavage, les figures politiques, etc. – l’esclavage n’étant pas celui pour lequel nous avons recensé le plus d’œuvres. Dans la peinture européenne, on trouve également des Noirs dans le milieu sportif, artistique, culturel, politique, militaire.  Nous présentons par exemple le portrait et l’histoire de Jean-Baptiste Belley, peint par Anne-Louis Girodet en 1797, ancien esclave de Saint-Domingue qui aurait racheté sa liberté à 17 ans avant de s’enrôler dans l’armée française puis de devenir le premier Député noir de France.

On trouve également des Noirs dans l’histoire européenne comme Alexandre de Médicis, métis et prince de Florence qui a régné de 1522 à 1537, peu connu dans l’historiographie ; ou encore Marie-Louise de Sainte-Thérèse dite “Mauresse de Moret”, peinte par Pierre Gobert, religieuse bénédictine probablement fille adultérine de Louis XIV avec une femme noire.

En définitive, cette anthologie reflète simplement la réalité de la pluralité des profils et des parcours de personnes noires dans l’histoire.

  • Sarah Adel : Comment a évolué la représentation des Noirs à travers les siècles étudiés ?

À partir du XVème siècle, au début de la Renaissance, les Noirs étaient plutôt représentés de manière standardisée. On a commencé à observer davantage de différenciations à partir de la traite négrière qui a éveillé une certaine curiosité puis les recherches se sont encore affinées au XVIIIème siècle avec le développement de la domesticité dans les milieux bourgeois qui constituaient un signe de richesse et de distinction. D’une certaine manière, le fait d’avoir un domestique Noir revenait à rehausser sa blancheur. La propagation des théories sur l’inégalité des races au cours du XIXème siècle, les stéréotypes sur les Noirs a généré l’apparition de stéréotypes sur la représentation des Noirs dans l’art (musculature du corps, nudité, lascivité, etc.). L’ensemble de ces préjugés raciaux s’est exacerbé dans la peinture au cours du XXème siècle.

  • S.A. Quel regard portez-vous sur l’essor d’initiatives culturelles et intellectuelles autour du thème des Noirs que l’on a pu observer au cours des dernières années (Black is beautiful Amsterdam, Géricault Matisse Orsay etc.)?

NVN: Je suis de nature optimiste ! Ces initiatives sont toutes perfectibles néanmoins, elles ont le mérite d’exister. Leur mise en place permet un certain décentrement de notre regard et progressivement de prendre en compte de la diversité positive de notre pays voire de notre continent.

 

  • Propos recueillis par Sarah Adel  (voir lien  Linkedin)

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